Évaluation des interactions entre la pêche professionnelle et les mammifères marins dans les Antilles françaises

Couverture rapport étude - interactions pêche professionnelle et mammifères marins Antilles françaises
juillet 2023

Le Sanctuaire Agoa a pour mission d'approfondir la connaissance des espèces de mammifères marins, de leur habitat et des menaces qui pèsent sur ces animaux, afin de mieux les protéger. C'est dans cette optique qu'a été conduite cette étude en 2022, afin de découvrir comment cohabitent les pêcheurs professionnels des Antilles françaises et les mammifères marins. 

L'étude "Évaluation des interactions entre la pêche professionnelle et les mammifères marins dans les Antilles françaises", s'appuie sur les témoignages de 71 pêcheurs professionnels de Martinique, de Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint Barthélemy. 

Cette étude avait pour objectifs de : 

  • Réaliser un état des lieux des pratiques de pêche dans les Antilles françaises
  • Déterminer les techniques de pêche susceptibles de générer des interactions négatives avec les mammifères marins 
  • Connaître la perception des pêcheurs quant aux mammifères marins 
  • Identifier les mesures de gestion nécessaires 

Selon les résultats, seuls 1,3 incidents se produiraient en moyenne par an. Les interactions négatives entre pêcheurs professionnels et mammifères marins sont donc rares. 

Les pêcheurs interrogés

  • Typologie : 97 % capitaines 
  • Représentativité : 6,5 % de la flotte des Antilles françaises
  • Expérience : 23 ans en moyenne
  • Activité : 3,5 jours de pêche par semaine 
  • Technique la plus pratiquée : les dispositifs de concentration de poissons (DCP) 
Un pêcheur sur sa barque en Martinique

Un pêcheur martiniquais dans les eaux de Schoelcher

Benjamin Guichard / Office français de la biodiversité

Un pêcheur martiniquais dans les eaux de Schoelcher

Benjamin Guichard / Office français de la biodiversité

Trois grands types d'interactions identifiés

1. La déprédation

Déprédation : retrait des poissons des engins de pêche par les mammifères marins

D'après les enquêtes réalisées dans le cadre de cette étude, la déprédation se fait essentiellement par les delphinidés sur les DCP ancrés, au niveau des palangres verticales (engin de pêche dormant) et des lignes traînantes. 

Les pêcheurs identifient au moins 7 espèces pratiquant la déprédation sur leurs installations :

Pour ces odontocètes (qui signifie cétacés à dents), le nourrissage sur les engins de pêche représente ainsi un gain d'énergie et/ou de qualité de la prise, qui explique ce phénomène de déprédation. 

2. L'enchevêtrement

Enchevêtrement : capture involontaire d'un cétacé par un engin de pêche inactif 

3. La capture accidentelle

Capture accidentelle : capture involontaire par une engin de pêche actif d'une espèce sensible/vulnérable non destinée à la consommation (tortues, mammifères marins, etc.)

Selon l'enquête, des événements d'enchevêtrement et de capture accidentelle ont été constatés sur les restes d'engins de pêche (dérivants ou non), les filets ainsi que les DCP ancrés.

Ce sont principalement les baleines à bosse et les cachalots qui ont pu être victimes de ces incidents, plus rarement des orques et grands dauphins.

L'impact sur les mammifères marins

Pour un mammifère marin, un enchevêtrement ou une capture accidentelle peut provoquer la mort par asphyxie, des gênes plus ou moins temporaires (partie du corps prise dans des cordages, hameçon coincé, etc.), des blessures ainsi que des infections parfois fatales. 

25 % des échouages (une dizaine par an au total au sein du Sanctuaire Agoa) seraient dus à des prises dans des cordages, notamment des déchets d'engins de pêche. 

Selon l'enquête, le taux de mortalité des mammifères marins varie selon le type de pêche pratiqué. Les engins les plus impliqués dans les incidents ne sont pas systématiquement les plus mortels :

  • La majeure partie des incidents cités concernent les petits delphinidés pris à l'hameçon. Auquel cas le pêcheur coupe la ligne et les animaux semblent y survivre la plupart du temps, selon les témoignages des pêcheurs interrogés.
  • D'autres engins tels que les filets maillants et dérivants ainsi que les cordages de DCP ont plus fréquemment une issue fatale, tout comme les collisions. 

À savoir La mortalité des animaux enchevêtrés peut être limitée par l'adoption de bons gestes et/ou de cordages optimaux : 9,5 mm de diamètre et résistance à la rupture de 1 700 livres ou 771 kg. 

 

Une baleine prise dans un cordage de pêche

Baleine à bosse essayant de se dégager de l'emprise d'un engin de pêche abandonné.

Marine Dedeken / Office français de la biodiversité

Baleine à bosse essayant de se dégager de l'emprise d'un engin de pêche abandonné.

Marine Dedeken / Office français de la biodiversité

Ramendage (réparation) de filets de pêche

Ramendage (réparation) de filets de pêche

Tiphaine Rivière / Office français de la biodiversité

Ramendage (réparation) de filets de pêche

Tiphaine Rivière / Office français de la biodiversité

Des conséquences pour les pêcheurs

Ces événements impactent aussi les pêcheurs professionnels. Ils peuvent en effet causer une fuite des poissons cibles, des pertes d'appâts, de matériel (filet ou DCP en cas d'enchevêtrement). Lorsque les cétacés sont présents sur les DCP, les pêcheurs interrogés déclarent parfois changer de zone, ce qui entraîne une perte temporaire du site de pêche. 

Au vu des résultats de cette enquête, les interactions entre pêcheurs et mammifères marins, ainsi que les incidents graves, resteraient rares au sein du Sanctuaire Agoa. Ce premier état des lieux pourra être suivi de nouvelles études et servir de bases à des études similaires à l'échelle caribéenne.   

Citation : Herfaut J., Hebert G. et Lecomte R., 2022. Évaluation des interactions entre la pêche professionnelle et les mammifères marins des Antilles françaises, Étude pour le Sanctuaire Agoa, 115p. 

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